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Archive : Entretien avec Jean Hervé

  • Photo du rédacteur: Guillaume
    Guillaume
  • 14 mai 2023
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 16 mai 2023

Il y a quelques années, bien avant sa disparition, notre fondateur, M. Jean Hervé donnait une interview exclusive à nos amis de Satoriz. Un long échange sur les oléagineux, entre autres choses, s'était alors installé lors de cette rencontre qui abordait aussi l'histoire et toute la philosophie derrière les produits proposés par l'entreprise portant son nom. Depuis sa création en 1976, l'entreprise, bien qu'ayant évoluée avec son époque, n'a pas dévié de ces principes. C'est ce que nous vous proposons de (re)découvrir dans cette archive.


Comment votre longue histoire dans le bio a-t-elle commencé ?

Annecy, en 1970, j’arrive de Paris à vélo… je me pose chez un maraîcher bio et j’y travaille trois ans… Je rencontre alors Jacques Mittler, qui avait le projet de monter un centre macrobiotique à Ecole-en-Bauges. Ce qu’on a fait, dès 1975. L’idée était d’intégrer de nombreux artisans à ce centre, tout en accueillant les personnes que l’on prenait en charge… On s’est vite épuisé, et tout le monde a fini par monter sa petite entreprise, chacun de son côté, mais dans l’esprit.

La macrobiotique : on la sort par la porte, elle revient par la fenêtre ! Je ne pratique plus dans les faits, mais j’ai gardé ce système de référence. Mes enfants aussi. Un aliment est-il bon, structurant, déstructurant ? C’est toujours mon système de pensée. Quand je suis malade, je cherche à comprendre pourquoi je le suis, plutôt que de faire appel à l’extérieur… Ce qui fait que je n’ai pas vu un médecin depuis 1970. Au bout du compte, la macrobiotique m’a apporté une véritable forme de liberté, puisqu’elle m’a permis de limiter mes dépendances extérieures, pour chercher par moi-même. Tout le contraire du sectarisme dont on l’accuse parfois.

Qu’avez-vous commencé à produire ? De l’huile de colza. Jusqu’à ce qu’une fausse rumeur, alimentée par un industriel de l’arachide américain, laisse entendre qu’elle était nuisible à la santé à cause de l’acide érucique… Alors qu’on en consommait depuis des siècles… J’arrête donc l’huile et Patrick Leport, qui allait créer la Boulangerie Savoyarde, me donne l’idée de fabriquer du tahin et de la purée d’amande, après en avoir vu produire à Amsterdam.

La purée d’amande existait-elle déjà ? Oui, c’est Monsieur Geffroy, un précurseur, qui avait eu l'idée d'un produit protéiné et très gras pour remplacer le lait de la mère, le moment venu. J’ai donc repris cette idée. Premier pot vendu en 1977, à Marjolaine.

Votre entreprise s’appelle dès lors SARL Jean Hervé… Vous avez dû réfléchir longtemps avant de trouver ce nom…J’ai d’abord retenu « l ’Huilerie savoyarde », puis « Nutrition Bio »… Comme ça ne rimait pas à grand chose, j’ai fini par choisir « JEAN HERVÉ ». C’est moi (Rires) ! Et c’est un nom déposé !

L’amande, la noisette


Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’intérêt nutritionnel de l’amande ? Elle contient près de 20 % de protéines, c’est énorme. Il y a par ailleurs plus de calcium dans les amandes que dans le lait, et ce calcium est encore plus assimilable, puisqu’il est lié au phosphore et au magnésium que contient également le fruit. Et puis il a les matières grasses, très majoritairement polyinsaturées, qui ne se dénaturent pas du tout lors de leur transformation, analyses à l’appui.

À partir de quand peut-on donner cette purée aux enfants ? Dès le sevrage. On peut commencer à la mélanger à la bouillie, qui devient alors très liquide et digeste grâce aux diastases de l’amande. Cela revient un peu à pré-digérer cette bouillie, un peu comme lorsque les grands-mères pré-machaient autrefois ce qu’elles donnaient aux enfants, pour mieux le leur transmettre. J’ai appris par la suite que c’était également un produit de choix pour les sportifs.

Ça nous intéresse : comment un adulte, sportif ou non, doit-il la consommer ? Souvent gourmands, un peu feignants… la plupart du temps, les adultes la tartinent ! Il est pourtant très intéressant d’intégrer la purée d’amande à des recettes comme la mayonnaise, des sauces salades, des pâtes à tarte, des biscuits… Elle peut faire merveille avec les poireaux, les asperges…

Que peut-on dire sur l’intérêt comparatif de la purée d’amande blanche ou complète ? Geoffroy n’a communiqué que sur l’amande blanche… Il estimait que l’amande complète provoquait une irritation intestinale. Sur ce sujet, je n’ai pas le même point de vue que lui. Je produis les deux et j’estime au contraire que la purée d’amande complète est encore plus digeste que la blanche. C’est dû notamment à la plus grande quantité de diastases qu’elle contient dans la peau, qui permet de digérer l’amande… Mes six enfants ont été nourris à la purée d’amande complète… Et puis je trouve que l’amande complète est meilleure, au niveau du goût. C’est celle que je mets dans mon confit !

Que dire de plus sur l’amande ?

C’est le fruit du soleil ! Et celles que j’utilise proviennent de Sicile, comme mes noisettes…

… dont vous faites également une purée : quel est son intérêt ? Le même que la purée d’amande, dont elle est un complément intéressant au niveau du goût, puisqu’elle est plus sucrée. Elle est plus adaptée aux desserts, aux pralinés…

Vous séchez vos amandes et noisettes au feu de bois, avant de les broyer à la meule de pierre. Pourquoi cette petite étape de grillage ? On enlève ainsi les 2% d’eau qu’elles contiennent. La purée que l’on en fait alors ne rancit jamais ! J’en ai gardé jusqu’à quatre ans, elle perd en arômes, mais pas en qualité.

Le sésame


On attaque le sésame ? C’est ce que je fais de mieux ! La purée de sésame est ma meilleure fabrication, et c’est ce qu’il y a de moins cher… J’en produis depuis le début, mais je ne décortique moi-même la graine que depuis 1997, date à laquelle j’ai racheté une meule que j’avais vue 25 ans plus tôt chez un Arménien qui faisait le sésame « Bongoût ». Or, toute la qualité du sésame vient du décorticage ! Une étape trop souvent faite chimiquement, à l’ammoniac…

Autant les purées d’amande et de noisette sont des créations récentes, autant la purée de sésame, qu’on appelle « tahin », a une tradition culinaire forte ! Le tahin est présent dans tout le bassin méditerranéen, où il est utilisé quotidiennement sur les crudités, dans la sauce de salade, le couscous, dans le hoummos, les glaces… À la place de l’huile, du beurre ou de la crème… Le sésame, c’est la merveille des merveilles.

Pour des raisons autres que culinaires ? Pour l’alimentation du cerveau, il n’y a pas mieux. Grâce au phosphore… au magnésium… à la silice. On considère même que le sésame est un antidépresseur. Et si l’on se penche sur l’expression « sésame, ouvre-toi », on peut y voir le fait qu’en « s’ouvrant », il devient le moteur du cerveau et permet la lucidité.

Complet, blanc ? De la même manière que l’on a décrié l’amande complète, certains trouvent à redire sur le sésame complet, sous prétexte qu’il contient de l’oxalate de calcium : mais l’Orient en consomme du complet depuis des millénaires ! Alors bien sûr, il y aura toujours un scientifique pour prouver que si l’on nourrit un rat exclusivement au sésame complet, il ne s’en portera pas bien. Mais on oublie que le sésame n’est pas un aliment en soi, c’est un complément qui s’intègre à l’alimentation. Par le tahin ou le gomasio, qui est d’ailleurs fait avec du sésame complet.

Vous êtes aussi réputé aussi pour le gomasio, un mélange de sel et de sésame grillé que l’on saupoudre sur les aliments. Un autre de vos produits phares ? A coup sûr. On en fait plus de 40 tonnes par ans.

A-t-il un passé culinaire, comme le tahin ? Oui, ce sont les Japonais qui l’utilisent le plus. Ils en font depuis la nuit des temps. Avant que le pays ne soit confronté à un problème de place, les Japonais produisaient leur sésame, comme la Chine d’ailleurs. Aujourd’hui, ils l’importent.

Consommer ce gomasio, ce n’est pas ingérer trop de sel ? Il faut voir les choses autrement : c’est par lui que doit se faire l’apport de sel ! Peu saler les plats, utiliser du gomasio, tel est le principe. La raison, c’est que l’on considère en Orient que le sel, qui est un minéral, ne peut pas être consommé seul. Il n’est pas assimilable. Il doit passer par le stade végétal pour l’être. On le « végétalise » alors en l’intégrant par des préparations à d’autres ingrédients, ce qui donne le gomasio, le miso (fermentation de sel, de soja, avec de l’orge ou du riz), le tamari (sauce soja liquide)… De la même manière, on végétalise l’eau avec le thé.

Quel intérêt ce gomasio peut-il avoir pour la santé ? Il est rapidement assimilable par l’intestin et contribue très vite à rétablir l’acidité sanguine, cause de beaucoup de maladies. Au Japon, on utilisait autrefois le gomasio pour soigner certaines névralgies, en s’attaquant ainsi à la cause du problème, alors que le cachet d’aspirine que l’on prend aujourd’hui agit comme un simple coupe-circuit…

D’autres produits…


La purée de noix de cajou ? Le goût… Whaooo ! Tant qu’on n’a pas fait une sauce salade à la purée de noix de cajou, on n’a rien goûté…

La caroube : on l’a longtemps présentée comme étant un substitut au cacao, au chocolat. C’est pas bon, le chocolat ? Ah, il contient cette fameuse substance, la théobromine… Une molécule qui crée une certaine dépendance… Ce n’est donc pas un véritable aliment, et si on fait de la pâte à tartiner au chocolat, c’est avant tout pour le goût, le plaisir. Autre chose la caroube, qui est un aliment. Idéal pour les enfants. Et la pâte à tartiner à la caroube (Karouba), c’est très bon ! Surtout depuis que j’y intègre la caroube sicilienne de Monsieur Barbagallo. Tiens, pour tout dire : avant, la Karouba, Satoriz ne voulait pas en vendre… Quand j’ai eu cette nouvelle provenance de caroube, j’ai dû faire 700 kilomètres pour vous mettre la cuillère dans la bouche ! Le moins qu’on puisse dire, c’est que depuis, vos clients lui font honneur !

Et pour les adultes, il y a donc votre fameuse pâte à tartiner noisette chocolat, la Chocolade ? Whaooo! Elle devrait être remboursée par la sécurité sociale ! Le client type, c’est la femme parisienne stressée : qu’est-ce que ça lui fait du bien !

Une exigence maison : ne pas utiliser de maltrodextrine. Pour quelles raisons ? Maltodextrine, dextromaltose : ce sont des « sucres de charge », qui cachent leur nom et ne sont pas ce qu’il y a de meilleur. Il y en a partout : dans le lait pour enfant, notamment… Les pâtes d’amande… On dit alors que les produits ne contiennent pas de sucre, ou moins : c’est faux ! Ces dextromaltoses proviennent en outre d’une extraction chimique de l’amidon du riz… Rien à voir avec une réduction par lacto-fermentation, ce que fait Celnat par exemple. Là, c’est vraiment autre chose.

Beaucoup de vos produits contiennent du sucre complet. Est-il meilleur ? Je n’ai commencé à utiliser du sucre dans mes produits qu’à partir du moment où j’ai découvert le complet. Il m’est apparu comme étant un sucre « possible », sachant que de manière générale, je considère que le sucre fragilise. Mais le sucre complet est intéressant : il a été prouvé par le Docteur Béguin, par une longue étude sur 10 ans, qu’il est favorable aux dents.

Le sirop d’agave, que vous utilisez par exemple dans Chocamore, est un autre sucre de qualité, non ? C’est le sirop d’un cactus, le même que celui qui permet d’obtenir la téquilla. C’est l’une de mes filles qui me l’a fait découvrir, de retour du Mexique où elle a vu le « miel d’agave » être utilisé lors de cérémonies chamaniques. C’est un sucre « yin », qui a plein de qualités d’ouverture de l’esprit, grâce à la silice qu’il contient. La silice, à nouveau… J’en profite pour dire qu’il y en a beaucoup dans la prêle, ce qui en fait un des plus merveilleux produits qui soit ; même si je n’en vends pas…

Le Milkhervé, un produit pour bébé ? Autrefois, les parents faisaient leur lait d’amande, leurs bouillies… Aujourd’hui, ils n’ont plus le temps. J’ai donc conçu un « lait instantané » à base de poudre d’amande, avec du kamut germé et séché, du sucre complet. C’est un produit de confort. Mais attention, aucun produit de ce type ne pourra constituer un aliment pour bébé à part entière. Pas question de ne donner à un nourrisson que du lait de soja, que du lait de riz, que de la poudre d’amande… C’est un appoint de l’alimentation, qui doit être variée.

Et pour terminer avec les produits… Chers clients, Jean Hervé s’occupe également de votre transit ! Le produit s’appelle « Transit » parce que je ne peux pas lui donner d’autre nom: il est trop complet, son action est trop large pour se résumer en un mot. C’est en fait une préparation que fabriquait un allemand, le docteur Kuhl. C’est lui qui a vraiment redécouvert l’intérêt de la lacto- ermentation. J’ai donc repris sa technique de fabrication de céréales lactofermentées en poudre, et c’est un miracle. Seul problème : il n’est pas assez cher, alors personne n’y croit !

Quelle est son utilité ? On l’emploie en premier lieu comme complément à la nourriture pour l’élevage des cochons, en milieu concentrationnaire… Ils ont tellement de stress que ça acidifie leur organisme ; ils développent des cancers du poumon, ces céréales lactofermentées permettent de l’éviter. C’est un véritable produit de santé, un excellent antioxydant. Accessoirement, il régule le transit : il permet de lutter contre la constipation… et les diarrhées! Un paradoxe qui s’explique ainsi : quand on apporte des milliards de bactéries dans l’intestin, c’est une véritable guerre de tranchée qui s’effectue, pendant une semaine. Ça peut-être la débâcle… Puis les bonnes bactéries s’installent, et les bactéries pathogènes finissent par s’évacuer.

School


Vous mettez beaucoup de votre énergie au service d’une association, School. Pouvez-vous nous en parler ? Les entreprises ont l’occasion de donner de l’argent à des associations, ce que je voulais faire également. Mais la plupart du temps, ces actions engendrent trop de frais de gestion. Or il était hors de question pour moi que 100 % de l’argent versé n’aille pas sur le terrain. J’ai donc rencontré un homme à Madagascar, Michel Sommerard, qui a accepté de monter une association avec moi et qui utilise directement cet argent. L’objectif de School est de faire des écoles à Madagascar, en pleine jungle. Nous en avons déjà fait cinq. Récemment, nous avons monté un collège, ce que même l’État n’était pas arrivé à faire là-bas… En impliquant la population dans le projet, tout a pu se faire très rapidement. C’est devenu leur collège, à eux. En 2005, on veut en faire dix.

Permettez-nous cette réflexion : beaucoup de ceux qui agissent dans le domaine de l’humanitaire sont discrets… Vous, vous avez choisi de montrer ce que vous faites, plein pot sur l’étiquette ! Je voulais faire changer les mentalités. Que ce soit précis, clair. Que les clients sachent que 2,2 % du prix des produits qu’ils achètent vont vraiment sur le terrain, et que tout soit transparent… En 2004, on a pu reverser 92 000 euros à School. C’est du concret. La visibilité de l’action nous a permis également de trouver 100 parrains en 6 mois ! Ils versent un peu d’argent aux familles les plus démunies, ce qui fait beaucoup pour elles.

Qui contrôle cela ? Nature et Progrès en France, Ecocert sur place à Madagascar. Afin de ne pas créer de frais de gestion, ils ont la gentillesse de le faire bénévolement.

Si vous deviez retenir un disque, un livre, un tableau ? – Un disque ? Je suis un fan de Julos Beaucarne… Je n’écoute quasiment que lui, tout le temps… Si je devais retenir une chanson, ce serait « La pluie »… Sans doute à cause de mes origines bretonnes… – Le livre sera Siddharta, de Herman Hess. La vie de Bouddha. C’est le bouquin qui a changé ma vie. – La peinture, c’est ma plus grande passion… Je dois avoir une centaine de tableaux chez moi, et dès que je le peux, je cours les galeries… Même quand je n’avais que très peu d’argent, j’en dépensais une partie pour acheter des toiles. Retenir un tableau qui m’ait marqué ? Je pense à la « Femme assise », de Picasso. Mais je choisirais en définitive un Miro.

Interview retranscrite et originalement réalisée par Satoriz

Jean Hervé, acteur majeur du développement du bio en France, est décédé à l'âge de 67 ans en 2017. Lorsqu'il a crée son entreprise spécialisée dans les purées d'amande, pâtes à tartiner, chocolats et fruits secs à la fin des années 1970, il entendait défendre le projet d'une société meilleure, plaçant l'homme et la vie au premier rang de ses valeurs. Ces valeurs il les a défendues dans son usine de Clion mais également à Madagascar et en Haïti, où il a apporté un soutien inconditionnel aux populations. Ces valeurs sont aujourd'hui toujours défendues pas ses enfants qui lui ont succédés.

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